La religion des anciens Grecs a déjà fait l'objet de toute une série d'introductions et de synthèses dont l'utilité n'est plus à démontrer.
Le présent ouvrage s'en distingue par la réflexion qu'il propose sur la pluralité inhérente à ce système religieux. En effet, la tension entre unité et pluralité, entre général et particulier est constitutive des relations que les Grecs entretenaient avec leurs nombreux dieux.
À partir de ce constat, plusieurs questions traversent le livre :
Quelle est la pertinence des termes de « religion » et de « polythéisme » pour comprendre la Grèce antique ? Doit-on parler de religion grecque au singulier ou au pluriel ? Les figures divines se dissolvent-elles dans la variété de leurs cultes jusqu'à en devenir méconnaissables ? Peut-on parler de « croyance » dans ce cadre ?
La pratique sacrificielle était-elle strictement locale ou bien fondée sur un arrière-plan partagé par toutes les communautés grecques ?
En prenant l'Enquête d'Hérodote comme fil rouge, l'investigation entend rendre justice à un foisonnement de dieux et de rituels, en faisant soigneusement la différence entre la pluralité fluide d'un système complexe et l'impression de chaos à laquelle nos propres déterminismes culturels risquent de le réduire.
Le polythéisme grec n'est pas une simple juxtaposition de divinités, mais il est fait de leurs interactions à différentes échelles - locale, régionale, panhellénique. De précieuses moissons documentaires - combinant sources littéraires, épigraphiques, archéologiques, iconographiques - en ont profondément renouvelé l'étude et l'ont constitué en objet pertinent pour comprendre les sociétés anciennes dans une perspective tant historique qu'anthropologique. La religion grecque étant profondément imbriquée dans des domaines où nous ne l'attendons pas, la convoquer permet d'enrichir la compréhension du monde grec antique.
Vinciane Pirenne Delforge est historienne. Elle a mené sa carrière au Fonds de la recherche scientifique (FNRS) de la Fédération Wallonie-Bruxelles, tout en enseignant à l'université de Liège, où elle a dirigé l'unité de recherche « Histoire et anthropologie des religions ». Elle est professeure au Collège de France, titulaire de la chaire « Religion, histoire et société dans le monde grec antique », depuis octobre 2017.
Fondée en 1987, Kernos est la seule revue scientifique entièrement consacrée à l'étude des faits et phénomènes religieux de la Grèce antique. Elle a pour ambition de fournir aux chercheurs en ce domaine, mais aussi à toute personne intéressée par les questions religieuses, un instrument de réflexion et des outils de travail pour progresser dans la connaissance du système religieux des Grecs. L'image du kernos, un récipient à cupules multiples notamment utilisé pour l'offrande des prémices, est une métaphore de l'orientation résolument pluridisciplinaire de la revue. Chaque numéro offre des contributions originales sous la forme d'articles peer reviewed, ainsi qu'une série de chroniques qui font le point sur l'actualité de la recherche. Ainsi, l'Epigraphic Bulletin piloté par Angelos Chaniotis présente de manière critique les publications éditant ou commentant des inscriptions relatives au domaine religieux. La Chronique archéologique, à laquelle collabore toute une équipe, fait de même dans le domaine de l'archéologie. La Chronique bibliographique fait écho à l'actualité immédiate des publications sous la forme de comptes rendus critiques pour les ouvrages envoyés à la revue et d'un inventaire analytique des articles.
Peut-on s'accorder sur une définition de la civilisation et utiliser le terme sans arrière-pensée ? Depuis son émergence dans le vocabulaire de l'Europe occidentale, cette notion a servi d'étendard tant aux idées progressistes des Lumières qu'à des formes d'impérialisme ou à l'expression d'un racisme plus ou moins larvé. Les problématiques qui entourent l'emploi de ce mot, au singulier comme au pluriel, incitent à la prudence en ses usages.
« Civilisation(s) » : concept normatif ou descriptif ? Au service de la diversité humaine ou négation de cette dernière ? Réalité culturelle ou biologique ? Dans cet ouvrage, juristes, historiens, philosophes, sociologues, archéologues, paléontologues, généticiens, médecins et anthropologues entendent tout à la fois apporter des éclairages nouveaux aux questions les plus traditionnelles et contribuer à la réflexion sur quelques grands enjeux contemporains, qu'il s'agisse des politiques migratoires, de la mondialisation, du droit international, de la génétique des populations ou encore de la santé.
Le portrait canonique d'Héra en fait une déesse colérique et jalouse, accablant son royal époux de reproches incessants et poursuivant de sa vindicte les fils illégitimes de Zeus. Le présent ouvrage affronte la difficulté de réconcilier cette image convenue de la « mégère » de l'Olympe et la dignité d'Héra en ses sanctuaires, sans faire des mythes et des cultes deux composantes de la culture grecque qui resteraient imperméables l'une à l'autre. L'analyse de la figure d'Héra en tant qu'épouse de Zeus permet de se saisir de ces langages, certes différents, mais ancrés dans un savoir partagé par les Grecs. L'enjeu de l'expérimentation dépasse dès lors la seule figure d'Héra et s'attaque aux ressorts mêmes du polythéisme grec, en cherchant à mieux comprendre le réseau fonctionnel des divinités qui le composent et les relations qui se tissent entre elles.
En l'occurrence, la déesse Héra est étroitement liée au pouvoir de Zeus et, partant, à la configuration grecque de la souveraineté divine. Dans sa figure de déesse en colère, elle met en oeuvre la querelle structurante, autrement dit, elle est l'« ennemie intime » nécessaire à la bonne gestion du pouvoir. Mais la figure de l'épouse est tout aussi présente et cruciale dans la représentation de la déesse :
C'est en cumulant les statuts de soeur et d'épouse qu'Héra assoit son rôle de souveraine, une souveraine dont le rang n'est pas toutefois absolu, mais relatif à celui du dieu qu'elle côtoie. Par la lecture tantôt conjointe tantôt parallèle des traditions narratives et des cultes, le présent ouvrage entend rendre sa complexité à l'Héra de Zeus.
Cet ouvrage s'inscrit dans la réflexion très actuelle sur le fonctionnement du polythéisme grec tout en s'attaquant à une divinité très peu présente dans le champ des études sur les dieux grecs. Il s'agit dès lors de sortir des impasses auxquelles ont parfois conduit tant une vision synchronique et figée de la société des dieux grecs qu'une prétendue reconstruction de son histoire. La première option, liée aux apports de l'analyse structurale des années 1960-1970, a certes permis de mettre en évidence la spécificité des divinités qui sont autant de puissances en relation avec les autres dieux. Mais l'identification d'un dieu par un mode d'action unique a parfois abouti à la mise en place de modèles invariants, où la polyvalence des dieux, la spécificité des contextes et les effets de l'histoire étaient sous-estimés.
Quant à la deuxième option, davantage diachronique, il faut reconnaître que, sous la bannière de l'histoire, se cachent parfois des développements relevant de postulats qui ne sont jamais démontrés.